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Un fauteuil roulant pilotable à la vue, un projet mené par quatre étudiants

Quatre étudiants de l’ESEO ont présenté ce lundi au Tiers-Lieu (Angers French Tech) leur projet de fin d’études : un fauteuil roulant électrique pouvant être piloté par les yeux, afin d’aider les personnes atteintes de la maladie de Charcot.

La maladie de Charcot, une maladie qui paralyse tous les membres

La maladie de Charcot, ou « sclérose latérale amyotrophique » (SLA) est une maladie neurodégénérative des « motoneurones de l’adulte ». Elle entraîne une paralysie progressive des muscles, ce qui fait que les personnes qui en souffrent deviennent petit à petit entièrement dépendantes. A l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement, les malades sont obligés de vivre avec. Cependant, si les facultés musculaires se dégradent, les facultés oculaires et intellectuelles restent. 

Le célèbre physicien Stephen Hawking en était d’ailleurs atteint, il communiquait via un ordinateur en sélectionnant des lettres via un écran et une caméra. Nous vous conseillons d’ailleurs l’excellent biopic qui lui avait été consacré, Une merveilleuse histoire du temps, dans lequel on suit son parcours scientifique ainsi que sa lutte contre la maladie.

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Un besoin de l’association Dans le cœur de J-M

Dans le cœur de J-M est une association qui a pour objectif de faire connaître la maladie de Charcot au maximum de monde mais aussi de soutenir les malades et de les sortir de l’isolement dont ils peuvent aussi souffrir et même de les aider à construire des projets de vie. Elle tente d’humainement et financièrement soutenir ces personnes dans leur vie quotidienne, dans leurs soins ainsi que leur famille. 

Dans le cœur de J-M a donc contacté l’ESEO pour proposer le projet aux étudiants sous la direction de Patrick Albers, enseignant-chercheur en informatique. Les quatre étudiants qui se sont proposés sont Victor Ferreire, Maël Mortier, Alexis Van-Schuerbeek ainsi que Maxime Villote. L’ESEO, ou École Supérieure d’Électronique de l’Ouest est une école d’ingénieurs française accréditée. Elle est spécialisée dans la formation d’ingénieurs et de bachelor en informatique et en électronique ; elle est située à Angers, Dijon, Paris-Vélizy et Shanghai. L’école étant en partenariat avec le CHU d’Angers, elle a pu obtenir le fauteuil roulant électrique ainsi que des subventions pour pouvoir réaliser des tests et des expériences. Angers French Tech était également en partenariat avec le projet : c’est une coopérative visant à accompagner les entreprises innovantes de l’Anjou. C’est d’ailleurs elle qui avait organisé le StartUp Camp, rendez-vous des starts-ups lors du WEF à Angers en 2017.

Comme l’ont déclaré les étudiants lors de leur présentation à Angers French Tech, 

« Quelques solutions existent, car chaque famille met tout en oeuvre pour que la personne malade puisse mener une existence des plus normales. Des petits génies ont déjà mené à bien des projets de ce type, mais c’est, à notre connaissance, la première fois que la commande oculaire est utilisée dans un projet de mobilité.C’est long, fastidieux, mais la communication existe – et cette commande oculaire est pleine d’espoir pour l’autonomie des malades, et ce, dans tous les domaines de la vie courante »

(Propos recueillis par Angers French Tech)

dans le coeur de j-m

Les contraintes à résoudre pour les quatre étudiants angevins

L’association avait plusieurs besoins à régler dans la conception d’un fauteuil roulant pilotable à la vue. Tout d’abord, il fallait que la solution soit peu onéreuse, le prix d’un fauteuil électrique étant déjà assez conséquent. Ensuite, il fallait que le fauteuil puisse être contrôlé à la vue ; en effet, les personnes atteintes de la SLA ne peuvent utiliser leur main pour contrôler le joystick de direction. Enfin, il fallait réaliser l’interface la plus simple possible, se concentrer sur ses yeux étant déjà assez difficile. La phase de recherche a duré un mois, pendant lequel il a fallu pour nos quatre étudiants de soulever les problèmes, trouver des solutions.

Le projet s’est divisé en deux parties :

  • La vision : comment récupérer les informations de la direction des yeux via un ordinateur
  • Les commandes : comment traduire les signaux de l’ordinateur en ceux du fauteuil roulant pour pouvoir contrôler sa motorisation.

Deux technologies ont été retenues pour pouvoir capter la direction dans laquelle on regarde. La première : une paire de lunettes connectées. Une solution qui s’est révélée trop onéreuse, le but étant de faire un système le moins cher possible. C’est donc une barre de capteurs se positionnant sur un ordinateur qui a été retenue. 

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Comment détecter le regard ?

Cette barre de capteurs est la Tobii Eye Tracker 4C (vendu à 169€). C’est un eye tracker qui se positionne en dessous d’un écran d’ordinateur. Il permet de suivre les mouvements des yeux sur un écran, afin de connaître où se situe le regard de la personne. Habituellement, le Tobii Eye Tracker 4C est utilisé pour les jeux vidéo, notamment League of Legends pour réaliser diverses actions rapidement.

Ce petit appareil utilise le contrôle visuel natif de Windows 10, qui permet de contrôler un ordinateur avec ses yeux. Les étudiants l’ont associé avec le logiciel propriétaire de Tobii comprenant un kit de développement. Un détournement ingénieux d’un appareil d’habitude réservé aux jeux vidéo. L’avantage de cette méthode c’est que le calibrage des yeux, même s’il est individuel est très rapide à faire, environ une minute.

tobii eye tracker 4C

L’application de contrôle visuel du fauteuil roulant électrique

Avec tout cela, ils ont créé un logiciel codé en C# (sous Windows 10) de contrôle visuel. C’est-à-dire une fenêtre composée de quatre boutons indiquant les quatre directions possibles : avancer, reculer, aller à droite et aller à gauche. Lorsqu’on est dans le fauteuil roulant électrique, avec l’ordinateur et que l’on regarde un des boutons, le fauteuil va avancer tout seul. Simple mais efficace.

Pour davantage de confort d’utilisation et de sécurité, le fauteuil est de base à l’arrêt. De plus, lorsqu’on regarde un des boutons, une barre de chargement va défiler, afin de confirmer qu’on veut bien aller dans la direction associée. Une fois la barre écoulée, le bouton s’affiche en vert pour confirmer la direction qui va être prise.

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L’envoi des données récoltées et leur interprétation

Les données récoltées sont ensuite transmises à un micro-ordinateur, un Raspberry Pi 3 connecté au même réseau Wifi que l’ordinateur utilisé. Les échanges d’informations se font via un protocole MQTT grâce au logiciel Mosquitto. 

Pour pouvoir contrôler le fauteuil roulant électrique, encore faut-il comprendre comment il fonctionne. Le problème, c’est que la documentation du constructeur n’est pas disponible, et les étudiants de l’ESEO n’ont pas pu l’obtenir pour des raisons de sécurité. Ils ont donc dû faire ce qu’on appelle du « reverse engineering » : étudier le fauteuil eux-mêmes pour en comprendre le fonctionnement. Pour cela, ils ont regardé de près le joystick présent de base et analyser les signaux qu’il envoyait vers la partie motorisation de l’appareil.

Après avoir compris comment le fauteuil roulant fonctionnait, ils ont créé une petite application à l’intérieur du Raspberry Pi qui va en quelque sorte « traduire » les signaux envoyés par l’application Windows 10 en ceux du joystick. Cela permet de contrôler le fauteuil.

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Les améliorations possibles du système de contrôle de fauteuil roulant électriques

Bien sûr, ce projet étant fait dans le cadre des études, il n’est pas abouti. C’est pourquoi certaines améliorations possibles ressortent. Par exemple, le fait de se concentrer sur les boutons fait qu’on ne voit pas où l’on va, c’est pourquoi il faudrait ajouter une caméra qui regarderait devant et serait retransmise sur l’ordinateur. Pour plus de précision, on pourrait créer une sorte de « roue » pour pouvoir se diriger dans toutes les directions. Enfin pour la partie vision, l’utilisation d’une tablette serait préconisatrice. Concernant la partie pilotage, il faudrait supprimer le joystick qui se retrouve inutile ; mais aussi pouvoir contrôler la vitesse afin d’aller plus vite sur de plus grandes distances. En effet, le fauteuil est réglé à la vitesse minimale pour des soucis de sécurité. 

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Les problématiques restantes à régler concernant le fauteuil roulant électrique et le projet

Actuellement, le système prototype mis en place n’est pas assez fluide pour pouvoir être réellement utilisé ou commercialisé. Si l’ont peut se diriger dans toutes les directions, difficile encore de le faire de façon continue. 

Comme évoqué précédemment, la gestion de la vitesse reste importante, il faudrait pouvoir aller à la vitesse que l’on veut. Au niveau de la sécurité d’ailleurs, il faudra probablement installer un système de capteurs tout autour du fauteuil roulant pour prévenir des obstacles que les malades pourraient ne pas voir et ainsi éviter des accidents. Autre aspect de sécurité, pourquoi pas intégrer une « caméra de recul » comme on en voit sur les voitures, pour que les personnes puissent reculer en toute sécurité et en même temps éviter de faire demi-tour, ce qui reste compliqué. 

Pour finir, en dehors de l’aspect purement technique, reste la question du financement. Pour l’association, il va falloir trouver des financements quand le prototype sera finalisé afin d’en produire plusieurs exemplaires et de débuter des phases de test. Alors oui, même s’il reste beaucoup de choses à développer, le but du projet était d’en montrer sa faisabilité. Ce qui a été réussi haut la main à en voir la démonstration que les étudiants ont pu faire.

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Un projet qui redonne de l’espoir

Victor, Maël, Alexis et Maxime ont présenté leur soutenance finale à l’ESEO il y a quelques semaines, la fin d’un projet de fins d’études débuté le 19 septembre 2019.  Les étudiants ont réussi le défi de proposer une solution peu onéreuse puisqu’ils annoncent avoir réussi à développer le projet pour un volume horaire qui s’élève à 8208€. Le coût matériel lui, s’élève à un total de 530€ (fauteuil non compris). 

S’ils vont bientôt rentrer dans la vie active, leur projet alliant ingénierie et aventure humaine ne s’arrêtera pas là, ils continueront à le suivre, même si ce n’est pas eux aux commandes. C’est ce que soutient d’ailleurs Patrick Albers :

« Ce qu’on pu faire Maxime, Victor, Maël et Alexis, c’est un projet fou, et c’est surtout une superbe base de travail. L’histoire ne fait que commencer, et nous espérons pouvoir poursuivre ce projet dans le futur, avec l’association, avec d’autres étudiants, avec des industriels du secteur et bien entendu avec le CHU… et toute aide, quelle qu’elle soit, sera la bienvenue ! »

(Propos recueillis par Angers French Tech)

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