Découvrons et analysons les illustrations d’Anton Gudim, un dessinateur très actif sur les réseaux sociaux qui n’hésite pas à détourner des objets ou à frapper nos esprits pour faire passer ses messages !
Cet article comprend le contenu d’une conférence que j’ai tenue dans un cours d’arts et société pour mes études supérieures.
À suivre, c’est quoi ?
À suivre, c’est un format d’articles hebdomadaires (tous les dimanches à 8 heures) dans lesquels on vous propose de suivre des créateurs de contenus sur les réseaux sociaux : compte Instagram, page Facebook, chaîne YouTube, sub Reddit, compte Twitter, etc. Qu’ils soient drôles, insolites, intéressants ou tout simplement originaux, on vous fait découvrir des concepts, à suivre !
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Qui est Anton Gudim ?
Anton Gudim est un illustrateur basé à Moscou, il est ingénieur informatique. Selon lui, ses dessins n’ont pas de style particulier, il s’inspire de ce qu’il voit dans la vie de tous les jours. Pour lui, le monde est varié, il y aura toujours de quoi trouver quelque chose d’amusant et de terrifiant à la fois. Si ses idées sont farfelues, pour lui tout le monde peut les trouver, il se considère comme quelqu’un de normal.
Il possède une vision très spécifique du monde, qui va critiquer la société sur plusieurs aspects. Les interprétations sont miennes, il n’existe pas d’analyses de ce dessinateur. Il décrit les images qu’il produit comme des « graphiques vectoriels » et défini son style comme des « croquis étranges ancrés dans la vie quotidienne ».
Actuellement, il possède pas moins de 780 000 abonnés sur Instagram, réseau social où il est le plus actif et le plus célèbre, il a par ailleurs publié 237 publications sur ce compte.
Les inspirations possibles d’Anton Gudim
Il possèdes des inspirations multiples, avec un penchant pour le style surréaliste. Ses inspirations viennent par exemple du peintre surréaliste René Magritte et notamment de « La Reproduction Interdite », comme on peut le voir sur sa photo de profil :
Anton Gudim est également surréaliste dans son style de dessin, voulant créer la surprise à chaque illustration. Il s’inspire de René Magritte dans le style surréaliste, mais aussi dans sa vision de l’art. Magritte disait :
« L’art de la peinture ne peut vraiment se borner qu’à décrire une idée qui montre une certaine ressemblance avec le visible que nous offre le monde ».
Dans son œuvre : « Comment faire de l’art ? », Anton Gudim dénonce le fait qu’il soit « facile » de faire de l’art en mélangeant des objets ayant une connotation symbolique de façon aléatoire, et qualifier ces œuvres de profondes.
Tout comme Magritte, il utilise des objets du quotidien, des objets pouvant être très simples et banals pour faire de l’art. Il s’est peut-être inspiré de l’œuvre « Les Valeurs personnelles » de Magritte :
Dans ce tableau, certains objets du quotidien sont en hypertrophie, représentés beaucoup plus gros. C’est un exemple de l’utilisation des objets banals de Magritte pour faire du surréalisme. Il y a de l’absurdité dans cette situation, puisque ces objets ne peuvent pas exister, ou alors ils ne sont pas utiles dans cette taille. On retrouve une antithèse entre l’intérieur et l’extérieur : l’intérieur avec les meubles, la pièce, une chambre ; et l’extérieur, avec le ciel peint, l’oreiller comme un nuage et le sol pouvant être assimilé à la Terre (sol marron dans les teintes).
Sa vision surréaliste du monde
Anton Gudim arrive à modifier la réalité du monde, celle qu’on connaît, pour lui donner une dimension nouvelle, sans forcément de message derrière, juste pour la beauté de ce changement de réalité.
Dans cette illustration par exemple, il détourne la fonction principale d’un objet (le stéthoscope) pour qu’il remplisse une fonction d’un autre objet qui lui ressemble pourtant. La forme du stéthoscope peut effectivement être comparée à celle d’une paie d’écouteurs.
Voici un autre cas de figure : ici, il détourne la fonction « Tout mélanger » d’une application, qui permet de mettre une liste de lecture de chansons en ordre aléatoire afin de « mélanger » les parties du corps de la personne qui a appuyé sur ce bouton. S’il est surréaliste, c’est principalement dans le but de détourner les objets du quotidien et d’en faire quelque chose de surprenant.
Sa vision sarcastique du monde
Il pense que l’homme peut être mauvais, et qu’il n’a pas à prendre le pas sur la nature.
Ici, un arbre donne des contraventions aux voitures car elles sont garées sur son habitat naturel, dans lequel il est piégé. Elles l’empêchent de vivre convenablement.
Il dépeint une activité de l’homme très pessimiste sur notre environnement :
Toujours dans l’environnemental, Gudim dénonce le fait qu’on ne sait où vont les déchets que l’on jette quotidiennement, en détournant ceci avec une piscine où ils se retrouvent tous.
Il pense que les personnes sont mauvaises et toxiques les unes envers les autres et que les personnes s’isolent. Dans cette illustration, on a la métaphore de l’isolement dans les transports en commun via les écouteurs. En effet, beaucoup s’isolent du bruit ambiant et donc des personnes, et se retrouvent avec elles-mêmes.
Une métaphore que l’on peut retrouver dans cette illustration, où le personnage est également isolé, mais avec lui-même :
Une autre illustration très importante que nous allons analyser plus en profondeur :
On y voit un blason dans lequel on trouve ce qui semble être un policier chevauchant un cheval blanc et frappant une personne n’ayant aucun signe distinctif, ses vêtements sont gris et ont ne voit pas son visage, cela pourrait être n’importe qui. Cela m’évoque « Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard », portrait peint en cinq versions par Jacques-Louis David entre 1800 et 1803. Trois versions de ce tableau avaient été commandées pour de la propagande.
Plusieurs similarités : le blason représente la « noblesse » de l’œuvre, évoque une certaine autorité. Autorité que l’on retrouve via l’uniforme (de policier et de Premier Consul) dans les deux tableaux. Les deux chevaux sont blancs et cabrés. De plus, on retrouve la matraque et l’épée : deux armes. Par ailleurs, si Bonaparte a la main tendue, on a d’abord pensé lors de la réalisation des peintures à le doter d’un bâton de commandement. Les deux images sont des figures d’autorité, celle d’Anton Gudim fait référence à la répression des autorités sur les civils se révoltant face aux situations géopolitiques (gilets jaunes, révoltes à Hong-Kong, etc.). Il dénonce donc ceci et compare les situations que l’on peut observer à Napoléon Bonaparte, qui s’il a instauré plusieurs choses encore utilisées, était empereur et a notamment empêché l’abolition de l’esclavage dans les colonies récupérées au Royaume-Uni en 1802, notamment par intérêt personnel pour sa femme.
Nous pourrions également y voir une comparaison avec « Saint Georges et le Dragon » peint par Pablo Uccello (repris par beaucoup de peintres) qui fait partie de l’iconographie chrétienne. On assiste au combat opposant Saint Georges de Lydda et au dragon nommé Nahfr, retenant une princesse. Cette scène est un symbole de la foi chrétienne et de sa victoire face au démon (le bien l’emporte sur le mal). Dans la légende, il aurait tué ce dragon et battu son groupe de pillards en échange de la conversion des habitants de la région, soumis par Nahfr.
Dans l’œuvre d’Anton Gudim, on pourrait donc y voir une comparaison entre cet épisode et les révoltes contemporaines, dans lesquelles le bien serait les pouvoirs politiques en place et le mal les personnes contre ces pouvoirs. On a alors un paradoxe entre le bien et le mal : le bien (le policier sur son cheval) ne serait pas vraiment le bien, puisqu’il frappe une personne qui n’a apparemment rien demandé. Cela nous fait poser la question de ce qui est bien et de ce qui est mal.
Plus généralement, il a une vision pessimiste du monde, comme il le montre avec cette parodie du jeu « Tetris », démontrant que la joie n’arrive jamais ; la lettre « y » ne vient pas, par contre la lettre « b » arrive, ce qui donne « job », « travail ».
Sa vision de la place des nouvelles technologies dans nos vies
Une place trop importante, comme dans ce dessin, où une femme d’essuie le visage et dans le mouchoir on retrouve le nez d’un chien. C’est une référence au fameux filtre chien de Snapchat, utilisé par beaucoup de personnes, personnes qui passent beaucoup de temps sur l’application (ou sur les réseaux sociaux) tant et si bien qu’ils font partie intégrante de la vie et deviennent même presque réels alors qu’ils sont en réalité seulement virtuels. Cela a un impact sur la réalité.
Selon lui, les montres connectées et autre objets technologiques se pré-occupant de notre santé peuvent être mauvais pour nous. En effet, ils nous poussent toujours à bouger, ici il va jusqu’à l’extrême où un homme mort revient à la vie (en tant que mort-vivant) parce que sa montre lui a rappelé qu’il n’a pas marché depuis longtemps !
Il utilise dans le dessin suivant la lumière bleue produite par nos écrans exprimer son avis sur notre utilisation des smartphones. Ici, la lueur bleue de l’écran est tellement présente que la personne la garde sur son visage même lorsqu’elle ne l’utilise plus. En effet, la lumière bleue a des effets nocifs sur notre sommeil ainsi que sur notre activité biologique. On peut aussi supposer qu’Anton Gudim veut montrer qu’on passe trop de temps sur nos smartphones et que même quand nous ne les utilisons pas, ce qu’on a vu reste dans notre esprit, on ne déconnecte jamais vraiment (par ailleurs, on voit que le téléphone reste à portée de main, rentré à moitié dans la proche).
Ce qu’il faut retenir sur Anton Gudim
Ce qu’il faut retenir d’Anton Gudim, c’est qu’il a une vision très particulière du monde, il arrive à voir et à modifier certains détails de la vie. Il arrive aussi à nous poser des questionnements sur ce que nous sommes et ce que nous faisons via ses illustrations grâce à l’utilisation du surréalisme.
Enfin, ce n’est pas un artiste extravaguant, ayant une vie palpitante, mais juste une personne qui aime dessiner de son côté, afin de faire rire ou sourire ceux qui suivent ses œuvres, de façon sarcastique ou non. Parfois, il n’y a aucun message derrière l’un de ses dessins, le but est d’en trouver, ou pas.