livraison gratuite de livres

La livraison gratuite de livres sur Amazon, c’est terminé : et si c’était une mauvaise idée ?

À partir du 7 octobre, la livraison gratuite de livres sur Amazon et dans les autres boutiques de e-commerce sera payante. C’est le résultat de l’entrée en vigueur de la loi Darcos, visant à favoriser l’achat de livres en librairies. Et si c’était une mauvaise idée ?

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La loi Darcos : protéger les librairies en pénalisant les grandes plateformes

Cette loi qui entre en vigueur ce samedi 7 octobre vise « à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs », peut-on lire sur LegiFrance. Elle vient en fait modifier la loi relative au prix du livre. En clair, la loi Darcos interdit la livraison gratuite de livres « sauf si le livre est retiré dans un commerce de vente au détail de livres ». Cela sous-entend que s’il s’agit d’un retrait en magasin, la livraison reste gratuite. C’est l’Arcep qui a proposé en avril 2022 d’établir le tarif minimal de livraison à 3 euros, validée par le ministère de la Culture.

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Avec cela, la sénatrice Les Indépendants (ex-LR) Laure Darcos vise clairement les grands groupes : la Fnac et surtout Amazon. Parce qu’Amazon à ses débuts, ne vendait que des livres et a soufflé un vent de panique sur les librairies, notamment celles indépendantes et plus fragiles. Pour la journaliste Marie Dancer, « c’est un premier pas dans la bonne direction et puis, la même loi permet aux communes de soutenir les petites librairies. Parce qu’au fond, le livre n’a pas de prix », déclarait-elle au micro de France Inter. Enfin, du côté du Syndicat de la Librairie Française (SLF), on « considère que cette mesure est un premier pas important pour rééquilibrer la concurrence entre détaillants sur le marché de la vente en ligne de livres ».

Amazon : la livraison gratuite de livres est terminée, il faut payer

Ce qui a réellement fait comprendre que la loi était entrée en application, c’est le mail envoyé par Amazon à ses clients :

« À compter du 7 octobre 2023, une nouvelle réglementation sur les frais de livraison des livres neufs entre en vigueur en France. Elle s’applique à tous les vendeurs de livres en France et impose pour toute commande contenant moins de 35 € de livres neufs un minimum de 3 € de frais de livraison. Pour les commandes contenant 35 € de livres neufs ou plus, le montant minimum de frais de livraison sera de 0,01 €.

Cette réglementation s’applique à l’ensemble des clients en France, y compris ceux ayant souscrit à des abonnements comme Prime, et concerne l’ensemble des livraisons de livres neufs en France métropolitaine.

Les livres commandés ou précommandés avant le 7 octobre continueront de bénéficier de la livraison à 0,01 € (gratuite pour les membres Prime), même si la livraison est prévue à partir du 7 octobre 2023. »

Le retour de bâton sur la fin de la livraison gratuite de livres sera-t-il trop fort ?

Pour l’internaute MatouEcureuil sur X (ancien nom de Twitter), c’est une mauvaise idée : « Du coup j’achèterai TOUS mes livres sur Amazon et j’attendrai d’en avoir pour au moins 35 euros. » En effet, avec un minimum de 3 euros de frais de livraison par commande en dessous de 35 euros, cela fait au moins 8,5% du prix des livres à donner en plus.

Autre astuce de contournement avancée par le journaliste Nicolas Lellouche : « commander un livre + un produit en précommande, recevoir le livre et annuler la précommande ». Difficile de savoir si cela est censé fonctionner : dans son message, Amazon précise que les frais de livraison ne sont pas comptabilisés (ou à 1 centime) à partir de 35 euros de livres neufs et non une commande de plus de 35 euros, livres neufs ou non. D’ailleurs, Le Monde rapporte un sondage Ifop commandé par Amazon en septembre 2023 : « 51 % des lecteurs vont réduire leurs achats de livres à compter de la mise en œuvre de cette mesure ».

Shipping with Amazon

Autre problème qui pourrait entrer en compte : la Commission européenne. En février dernier, L’Informé rapportait un « avis circonstancié » à l’encontre de la loi Darcos. Selon elle, l’application de cette législation « devrait entraîner une augmentation significative du prix final que les détaillants, y compris ceux qui constituent des prestataires de services de la société de l’information, seront en mesure d’offrir aux consommateurs potentiels. » Elle appuyait également sur le fait que cela pourrait entraîner les consommateurs à « privilégier l’achat auprès des plus gros vendeurs. » Un adversaire de plus, en somme. Même son de cloche pour le SLF, pourtant du côté des libraires : il s’est dit inquiet que « la quasi-gratuité au-delà de 35€ d’achat, m’amoindrisse la portée de la mesure et n’entretienne une culture de la gratuite contraire à la logique du prix unique du livre. »

Et si Amazon gagnait la bataille face au Parlement ?

C’est bien connu : Amazon a réalisé du lobbying afin d’empêcher l’entrée en vigueur de la loi, sans succès. Pourtant, il lui reste une carte à jouer : le Conseil d’État. C’est en juin dernier que l’entreprise de Jeff Bezos a déposé un « recours pour excès de pouvoir contre une mesure qu’elle estime contraire au droit et à l’intérêt des consommateurs », avait-on appris dans un communiqué de presse. Elle rappelait alors des « fortes réserves émises par la Commission européenne » notamment.

Shipping with Amazon

Amazon mettait également en avant le fait que la loi Darcos engendrera « une hausse de 40% du coût d’acquisition d’un livre de poche ». Aussi, elle s’appuyait sur un sondage Ifop (de 2021) indiquant que « 45% des Français qui achètent des livres en ligne le font en raison de l’éloignement des points de vente physiques ». La solution mise en avant : l’instauration d’un tarif postal dédié au livre, qui existe déjà pour les expéditions vers l’étranger. Le SLF y serait favorable : selon le syndicat, cela permettrait « de rendre les libraires véritablement compétitifs à l’égard des grandes plateformes en ligne. »

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