Parmi les épisodes parlant politique de Black Mirror, on retrouve Le Show de Waldo, l’épisode 3 de la saison 2 (2013). Un épisode qui traite du pouvoir des personnages fictifs dans la réalité, notamment en politique. Mais cet épisode de Black Mirror n’irait-il pas assez loin dans son propos ?
Un autre épisode de Black Mirror qui parle de télévision : 15 Millions de mérites, considéré comme l’un des meilleurs épisodes de la série.
Synopsis de Le Show de Waldo
« Jamie Salter est un comédien de seconde zone qui prête sa voix à Waldo, un ours bleu en images de synthèse. Après l’entrevue corsée d’un politicien du Parti conservateur qui pensait participer à une émission pour enfants, Waldo acquiert une popularité surprenante. De plus en plus impliqué dans la vie politique, Waldo en vient à se présenter aux élections locales ; mais Jamie ne se satisfait pas du succès de son personnage. »
Les personnages fictifs ne sont pas politiques, donc populaires (politiquement ?)
Le constat de départ est que les citoyens sont exaspérés par la classe politique de leur peuple ; le taux de participation aux élections baisse, et ces personnalités politiques ne rencontrent pas un franc succès. Pire : ils sont moqués, visés notamment par la télévision, ici incarnée par Waldo. Cet ours bleu est injurieux, moqueur, sarcastique, trash. Régulièrement à la télévision dans une chronique d’émission, il se moque des politiques qui viennent ou qui parlent dans les médias : on pourrait comparer cela à ce que fait l’émission Quotidien en France, dans une optique d’infotainment.
En vérité, malgré les propos de Waldo dans l’épisode, le personnage ne se veut pas réellement politique, il n’est pas politisé mais se contente de contredire les personnalités politiques. Cependant l’avidité d’audiences et de revenus publicitaires poussent ses producteurs à aller attaquer les politiques sur leur propre terrain et non plus sur un plateau de studio de télévision. A partir de là, on pourrait alors considérer Waldo comme un personnage politique et c’est ce qui va se produire dans cet épisode de Black Mirror.
Comme on pourrait s’y attendre, Waldo rencontre un franc succès auprès de la population : il est aimé par le peuple grâce au contexte politique actuel mais aussi tout simplement parce qu’il a été conçu pour plaire. Mais à un moment donné, cela devient problématique et c’est exactement le propos de Le Show de Waldo.
Le Show de Waldo : jusqu’où peut-on aller pour gagner des voix
Le personnage de Jamie se retrouve alors dépossédé de sa création, de sa vision d’artiste : lui qui a toujours (ou presque, on s’en doute) décidé de ce que dirait ou ferait Waldo se retrouve alors pris au piège par son producteur, qui possède les droits du personnage. Contraint, il va alors jouer le jeu, malgré lui.
C’est là que la machine va se mettre en route, ou plutôt la campagne. Le Show de Waldo s’exporte à la politique, avec pour principal argument de dire et de proposer ce que le peuple pense, sous couvert d’une sorte d’application permettant de voter pour le contenu du programme. Mais cet aspect-là de la démocratie n’est pas vraiment abordé dans cet épisode. Ce qui l’est davantage, c’est la puissance des personnages fictifs, qui permettent de grandes possibilités en merchandising, mais on le voit ici, en politique. En fait, comme Waldo n’est pas une personne réelle, il peut dire ce qu’il veut : quand Jamie refuse d’incarner Waldo, il sort du personnage et dénonce la machinerie en place, son producteur qui incarne Waldo encourage la population en donnant une récompense à celui qui le tabassera.
Cela se voit par la suite, aux résultats des élections lorsque Waldo perd, le petit ours bleu encourage la foule à lancer ses chaussures sur le vainqueur.
Vers un appauvrissement du débat public
Ce que l’on peut voir d’intéressant dans l’épisode, c’est l’appauvrissement du débat public dû aux paroles choquantes de Waldo. C’est ce qu’on voit dans une scène de débat public devant des étudiants, où les candidats s’écharpent contre Waldo, sans discuter du fond : de politique. C’est un peu évident à dire, mais c’est ce qu’on retrouve aujourd’hui dans le climat politique, en plein début de campagne présidentielle où les paroles de nos personnalités politiques veulent toujours aller vers du sensationnalisme dans leur communication politique, pour gagner de la présence médiatique et des potentiels électeurs aveuglés par ces figures. Charlie Brooker nous dit ici de faire attention à cela, d’ailleurs tout est accéléré avec les réseaux sociaux qui permettent de reprendre en direct ou presque les événements, les paroles des uns et des autres.
Le Show de Waldo ne va pas assez loin : mon avis
Mon avis général sur Le Show de Waldo, c’est que le propos de l’épisode ne va pas assez loin : en même temps en moins de trois quarts d’heure il est compliqué de développer une pensée complexe. C’est dommage pour un épisode d’une série comme Black Mirror. En fait, seule la scène de fin peu amener à une vraie réflexion : Jamie, devenu sans-abri, se rend compte que Waldo est devenu une figure contestataire mondiale engagée en politique sérieusement, noyant la qualité du débat public. C’est vraiment dommage, on aurait aimé avoir plus de réactions de la part de la population dans l’épisode, les citoyens ne font que rire à ce que dit Waldo dans le film. Si Black Mirror se veut comme montrant le pire de l’humanité et de ses inventions, cette absence quasi-totale de nuance est dérangeante ; on ne retrouve pas la sensation de malaise qu’on peut avoir dans la plupart des autres épisodes.