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L’open-innovation s’impose enfin dans les pratiques des grandes entreprises

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Concept à la mode ou véritable révolution, l’open-innovation a le vent en poupe. Cette pratique, qui repose sur l’intelligence collective et collaborative pour résoudre des problèmes formulés par les entreprises ou permettre le déploiement d’un esprit d’innovation dans les organisations, connaît un succès croissant. En ligne, l’écosystème des intermédiaires se structure autour de IdeXlab ou encore d’Open2innovations, faisant oublier les échecs retentissants d’autres acteurs, comme Hypios Crowdinnovation. Dans le même temps, concours et campus rassemblant monde académique, entreprises et startups viennent peu à peu implémenter ce nouveau prisme.

Une tendance en vogue

Ce n’est, en soi, pas une nouveauté. L’association entre grands groupes et startups est à la mode depuis quelques années et s’affirme comme l’une des pistes privilégiées pour unir le meilleur des deux mondes. Booster la créativité, réduire les coûts de recherche et développement, accélérer les processus, accéder à de nouveaux marchés : l’open-innovation a le vent en poupe et semble combler les deux faces de la même pièce de l’innovation. « L’open innovation nous donne la possibilité de lever plus rapidement des verrous et d’intégrer des solutions développées par des startups dans nos projets », explique ainsi Thiebault Clément, directeur de la Recherche et Développement (R&D) chez Bouygues Construction, pour Maddyness.

D’un côté, les startups qui disposent de puissantes compétences en termes d’innovation et d’une forte agilité. De l’autre, les grands groupes, dotés de larges latitudes financières, mais qui pâtissent d’une lourdeur structurelle et bureaucratique systémique perçue comme un frein à l’innovation. Entre les deux : l’open-innovation, qui unit les forces -et gomme les faiblesses- de chacun. Logique, donc, que depuis 2003 et l’invention du concept par l’universitaire américain Henry Chesbrough, l’open-innovation ait largement conquis les cœurs des entreprises. « L’innovation ouverte est avant tout l’illustration d’un changement de paradigme, induit par les nouvelles technologies », estime ainsi Matei Gheorghiu, doctorant en sociologie et diplômé de l’EHESS. En 2020, 86 % des startups hexagonales affirmaient ainsi avoir travaillé avec un grand groupe, plaçant la France tout en haut du podium international dans ce domaine, devant de grandes économies numériques, comme l’Allemagne et les États-Unis.

Réussir à unir le meilleur des deux mondes

Et la tendance ne semble pas près de s’inverser, 92 % des grandes entreprises françaises étant impliquées dans une démarche d’open-innovation, selon les données d’une étude de l’INSEAD. Pour les grands groupes, l’inflation des expertises et la montée en puissance de besoins technologiques spécifiques ont rendu le recours à l’open-innovation plus que vital. « On estime à 50 ou 60 millions le nombre d’experts aux compétences très pointues dans le monde. Même les grands groupes industriels n’ont plus les moyens de suivre l’actualité dans tous les domaines, les technologies s’interpénètrent de plus en plus rapidement grâce au digital », affirme par exemple Jean-Louis Liévin, président et cofondateur de ideXlab, l’un des leaders du secteur, pour la Fédération nationale de l’information médicale (FNIM).

Cette nouvelle culture de la collaboration se traduit aussi physiquement. Le campus de Paris-Saclay, à l’origine dédié au monde académique, est aujourd’hui largement investi par les entreprises et les industriels, qui tentent d’y appliquer la recette gagnante de la Tech City londonienne ou de la Silicon Wadi israélienne, une formule aspirant à mixer universités, entreprises et un panel de jeunes pousses ambitieuses. En bref, « penser écosystème » est devenu un incontournable pour les Danone, Thales, IBM et bientôt Intel, tous implantés sur le plateau de Saclay.

En France, plusieurs groupes sont en pointe dans ce domaine, notamment dans le secteur de l’énergie et du développement durable, où les méthodes d’open-innovation semblent particulièrement fertiles. EDF dispose ainsi d’un fonds de corporate venture capital, EDF Pulse Ventures, qui a injecté 270 millions d’euros dans une vingtaine de startups entre 2017 et 2022. Ailleurs aussi, comme au sein de la Française des Jeux, la démarche d’open innovation a été déployée en 2015. Le fleuron des jeux d’argent abonde désormais plusieurs fonds de Venture Capital à hauteur de 80 millions d’euros. Autres secteurs particulièrement engagés dans cette démarche, le monde de la santé et du numérique industriel. Mais des freins restent encore à lever, particulièrement au niveau petites et moyennes entreprises. En premier lieu, le temps de travail de collaborateurs nécessaire à mobiliser et le coût d’une équipe dédiée à ce sujet. Autres facteurs bloquants, mentionnés dans une étude de The Economist : la complexité managériale et organisationnelle, les risques en termes de régulation des projets ou encore un décalage d’attente entre l’entreprise et les personnes qui la composent.

Développement des plateformes spécialisées

Autre approche privilégiée par les entreprises, le recours direct aux spécialistes en ligne. Une méthode directement issue du modèle collaboratif de plateformes comme Commentçamarche.fr, fondée sur le bénévolat et qui s’est affirmée, au fil des années, comme l’un des sites les plus fréquentés du domaine. IdeXlab pour les petites et moyennes entreprises, Qmarkets, Open2innovation… : les plateformes spécialisées se multiplient et l’écosystème se structure enfin. « Idexlab fonctionne comme un moteur de recherche : lorsqu’une entreprise souhaite se renseigner sur un thème précis, elle fait sa recherche sur Idexlab, qui lui propose une liste des meilleurs experts et de leurs études sur ce sujet », souligne ainsi pour NetPME, son directeur, Jean-Louis Liévin. Une réussite qui efface même les quelques dérives qu’a pu, par le passé, connaître le secteur. Hypios Crowdinnovation, par exemple, fondée en 2015 par l’homme d’affaires Jean-Christophe Lépine, connu pour la faillite de la pépite technologique Innoveox, a été au cœur de plusieurs pratiques frauduleuses supposées, accusée notamment d’être « une arnaque à l’investissement », aux « placements » et de ne pas payer les « solvers », chargés de proposer des solutions aux problèmes des entreprises et cœurs de son modèle. Hypios Crowdinnovation, dont la dissolution avait été envisagée deux ans après sa création, avait d’ailleurs vu l’un de ses dirigeants, Emmanuel Jouanne, quitter la société quelques mois après. Sur le marché de l’openinnovation, ces cas extrêmes sont cependant restés très minoritaires.

Les grands groupes misent aussi sur les concours pour tenter de tirer la meilleure pépite, sans s’engager dans de potentiellement lourds investissements. Le 28 mars dernier s’est ainsi tenue la 17e édition du Techinnov, première convention d’affaires dédiée à l’innovation pour l’industrie, spécialisée dans les domaines de l’énergie et décarbonation, des transports du futur, de l’agriTech et de l’healthtech. Début mars, La Poste a lancé la 9e édition de son concours French IoT Impact x Technologies, son programme d’openinnovation destiné aux startups innovantes et engagées.

Un modèle qui poursuit sa croissance donc, mais qui, il y a encore quelques années, ne faisait pas l’unanimité. « Pourquoi l’open innovation ne marche pour les grandes entreprises » professait ainsi, en 2016, le président d’un grand fonds d’investissement de la place parisienne. Sept ans après pourtant, le concept semble connaître un destin inverse.

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