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Numerama : un pure-player d’information consacré au numérique

Numerama fait aujourd’hui figure de rigueur journalistique et de « contenus froids » dans le traitement des nouvelles technologies et du numérique. Quelle est son histoire, son évolution économique et éditoriale ? Retour sur un pure-player d’information consacré au numérique.

Cet article est un écrit réalisé dans le cadre du cours Socio-économie des médias de Marie-Ève Saint-Georges durant la troisième année de licence Médias, Culture et Communication de l’Université Catholique de Lille.

Introduction

Qu’est-ce que Numerama ?

Numerama est un pure-player consacré à l’actualité informatique et numérique, créé en 2002 par Guillaume Champeau. La ligne éditoriale de ce média est centrée sur les questions des enjeux du domaine, d’un point de vue économique, législatif, social ; autour également de la technologie et de la culture web. Numerama tente de faire un traitement expert et humain des nouvelles technologies. Ce média se qualifie lui-même de « marque d’information multimédia, avec une forte présence sur les réseaux sociaux » avec la volonté de faire « primer la qualité sur la quantité ». Dans sa page « À propos », Numerama affiche un mantra :

« Anticiper le futur pour mieux comprendre le présent. »

numerama

Le modèle économique de ce pure-player d’information

Le modèle économique de Numerama est basé sur la publicité sous trois formes différentes. Tout d’abord la « publicité display » : il s’agit des bannières commerciales affichées sur le site en parallèle des articles. Ensuite viennent les contenus publi-rédactionnels, aussi qualifiés de sponsorisés : Numerama fait la promotion d’un produit/service dans un article. Enfin, il y a l’affiliation : dans ses articles, Numerama peut afficher des liens renvoyant vers des sites commerçants : si les internautes achètent ce qui y est vendu, alors le média se voit attribuer d’une commission.

Numerama en quelques chiffres

Début 2021, Numerama comptait 10 millions de sessions par mois (Q1 2021) et affiche « plusieurs centaines de milliers de lectures » sur ses « vidéos les plus vues ». Ce média est en bonne santé puisque selon Humanoid (société mère), le site affiche 50% de croissance annuelle.

Le média compte 19 personnes actuellement :

En août 2021, Numerama affichait selon Médiamétrie, 3 482 000 visiteurs uniques sur le mois, soit environ deux fois moins que Frandroid, premier média consacré aux nouvelles technologies. Un média qui n’est pas vraiment en concurrence avec notre sujet puisque comme nous le verrons, ils sont tous les deux réunis dans le même groupe : Humanoid.

Cependant, dans un rapport à propos d’un stage effectué chez Numerama, on apprend que sur le mois d’avril 2019, le site avait été visité par 4,3 millions de visiteurs uniques. Des statistiques d’audience qui fluctuent apparemment.

L’histoire de Numerama

Avant Numerama : Ratiatum

Le site précurseur de Numerama se nommait Ratiatum : un blog créé en 2001 par Guillaume Champeau ; consacré au partage de fichiers de pair-à-pair avec les problématiques économiques et juridiques qui en découlent. Pour son créateur, « le peer to peer allait révolutionner le droit d’auteur », il s’est « donc intéressé » aux dimensions politiques et sociales de cette grande bibliothèque d’Alexandrie ». Alors étudiant en droit, il quitte ses études pour se consacrer à plein temps à son blog. Lors de l’été 2004, il crée la société PressTIC qui édite Ratiatum. Le nom du site est en fait le nom antique de la ville de Rezé en Loire-Atlantique : c’est là d’où est originaire son créateur.

Ratiatum sera un magazine mensuel papier qui ne comptera que deux numéros du fait de la faillite de son éditeur entre fin 2004 et début 2005. Une tentative d’investir les publications print ratée mais étonnante lorsqu’on voit les chiffres des magazines.

Quand Ratiatum devint Numerama

Par la suite, Ratiatum étendra sa ligne éditoriale sur d’autres aspects du numérique et changera de nom pour devenir Numerama en 2008. A cette époque, la pratique du P2P s’essouffle et Guillaume Champeau décide d’accompagner ce « changement des pratiques » tout « en conservant un oeil critique sur les développements de la société numérique ». Ratiatum devient donc Numerama, de quoi professionnaliser le site en se détachant de l’histoire personnelle de son créateur. Le nom du site est en fait la composition des termes « numérique » et « hórama » : ce dernier provient du grec ancien et renvoie à la « vision ».

Le rachat par Humanoid

En avril 2015, Guillaume Champeau décide de vendre l’intégralité du capital social de PressTIC à Mobvalue. Puis en octobre de la même année, le site rejoint le groupe Humanoid, ce qui s’accompagne d' »une réinvention de la marque média Numerama, de son positionnement, de sa ligne éditoriale jusqu’à son architecture technique, en passant par son identité graphique ». Guillaume Champeau reste alors le rédacteur en chef pour quitter la société en octobre 2016.

Zoom sur Humanoid

Entreprise française créée en 2010, Humanoid est principalement un éditeur de presse en ligne. La société a été fondée pour éditer tout d’abord le site FrAndroid, pure-player consacré à l’actualité des nouvelles technologies lancé en 2008. Cet éditeur possède l’agence de création Humanoid XP ainsi que la régie publicitaire 191 Media, en collaboration avec Futura (autre groupe média indépendant). En 2020, la société rachète ALJ Agency, société éditrice de Madmoizelle, magazine féminin en ligne.

Numerama aujourd’hui

Aujourd’hui donc, Numerama est composé de 19 personnes :

La rédaction fait également appel à des journalistes pigistes/indépendants pour des missions ponctuelles ou plus régulières.

La relation entre Numerama et Humanoid XP

L’agence de création Humanoid XP fait publier sur le site des articles « sponsorisés ». C’est-à-dire qu’une marque a contacté l’agence pour créer du contenu autour de son domaine afin de le publier sur les divers canaux d’Humanoid, dont Numerama. C’est notamment le cas sur le site Internet avec des contenus publi-rédactionnels. Ces contenus ne sont pas créés par la rédaction mais par l’agence.

L’audience de Numerama

Le lectorat de Numerama est décrit par Humanoid pour sa régie publicitaire comme « curieux, passionné, affinitaire » ; ce public « cherche de l’information de qualité » et serait en particulier composé de CSP+ entre 18 et 44 ans.

Les différentes rubriques du site

Cyberguerre

Cyberguerre est défini par la rédaction comme un « cybermagazine numérique sur la cybersécurité ». Lancée fin 2018, cette rubrique à part sur Numerama souhaite parler de « sécurité informatique sous toutes ses formes », un « pari » lancé sur le fait que « les références manquent en langue française sur le web ». La ligne éditoriale de Cyberguerre a pour objectif de « porter ces sujets complexes liés aux enjeux de sécurité du numérique et de les retranscrire au grand public » tout en gardant ce qui a fait la marque de Numerama.

Afin de financer cette rubrique, Humanoid a testé un nouveau modèle qui a fait ses preuves et qui est toujours le même depuis le début : faire appel à un annonceur unique, chaque année. La première année, le média était soutenu par Bitdefender, puis par ExpressVPN pour cette année collaborer avec CyberGhost. Cela se manifeste surtout par un encart textuel à la fin de chaque article.

Les articles se retrouvent dans cinq rubriques :

Vroom

En octobre 2018, la rédaction lance une nouvelle rubrique intitulée Vroom. Cette « marque média […] couvre l’automobile et les nouvelles mobilités. Elle adresse les changements technologies, sociaux et économiques du marché des transports et parle, avec le savoir-faire Numerama, aux conducteurs de demain ».

« Vroom, c’est le son que nous faisons quand nous imitons une voiture. […] Vroom, c’est pour nous le pari que les générations de demain connaîtront le nom de notre média avant de se demander ce qu’il signifie. »

Cette marque média comporte plusieurs rubriques :

Les autres rubriques

Numerama comporte aussi d’autres rubriques :

Les différents canaux de communication (hors site Internet)

À quoi servent-ils ?

En plus de son site Internet, Numerama communique également sur d’autres supports, mais surtout d’autres platesformes pour étendre son audience et proposer du contenu sous plusieurs formes. Deux aspects de cette communication différente sont présents :

La chaîne YouTube : tests, guides et reportages

La chaîne YouTube de Numerama compte à ce jour environ 57 200 abonnés et cumule plus de 10 600 000 vues depuis sa création le 18 février 2014. En octobre 2021, les vidéos ont été vues plus de 370 000 fois et ce sont 2 100 internautes qui se sont abonnés à la chaîne. Voici ce que nous indique la description de la chaîne YouTube dans sa section « À propos » :

« Chaîne vidéo du site Numerama | Retrouvez ici tous nos tests et guides des dernières tendances tech ainsi que nos reportages pour mieux comprendre la société qui nous entoure. »

Effectivement, les vidéos abordent plusieurs thématiques relatives à celles traitées sur le site ; elles sont d’ailleurs triées dans plusieurs playlists :

Auparavant Numerama alimentait également la chaîne YouTube « Vroom par Numerama », mais depuis février 2021, toutes les vidéos en rapport avec les mobilités sont sur cette chaîne YouTube.

Des vidéos qui durent généralement entre trois et dix minutes. Au vu des statistiques que l’on observe, ce ne sont pas les revenus publicitaires via la régie publicitaire de YouTube ou les partenariats commerciaux (il n’y en a pas sur YouTube) qui rendent les vidéos rentables. Ce qui peut intéresser Numerama cependant (au moins actuellement), c’est d’utiliser cette chaîne YouTube comme canal d’acquisition pour générer davantage de traffic (de qualité) sur son site Internet. En effet, dans les descriptions des vidéos, on retrouve à chaque fois un ou plusieurs articles mis en avant. En créant des vidéos uniquement pour YouTube, Numerama permet de créer une communauté qui pourra suivre le média partout, notamment en lisant les articles écrits.

La page Facebook : relayer les articles publiés

Numerama possède et alimente une page Facebook qui compte actuellement près de 180 000 mentions « J’aime » et plus de 200 000 abonnés. Elle est surtout utilisée pour relayer les vidéos publiées sur YouTube mais aussi et surtout les articles publiés tous les jours. Si l’on ne peut connaître le nombre de clics ou de vues sur les publications, on peut compter les réactions à ces dernières : elles dépassent difficilement la centaine, le plus souvent aux alentours de la vingtaine.

Numerama sur Twitter : le plus gros canal de communication

Le compte Twitter de Numerama a été créé en juin 2009 et compte aujourd’hui plus de 86 600 abonnés et a posté plus de 92 600 tweets. C’est le réseau social avec le plus d’abonnés de ce pure player. Le réseau social est surtout utilisé pour relayer les articles publiés ou les vidéos mises en ligne sur YouTube : il l’est plus rarement pour répondre aux questions, remarques ou réactions des lecteurs.

Instagram : des contenus plus éditorialisés

Le compte Instagram de Numerama comprend plus de 2 500 abonnés et a 115 publications en ligne. Si certaines publications ne font qu’un résumé d’article avec un appel à l’action pour aller le lire (en cliquant sur le lien en biographie du compte), d’autres contenus (photo)graphiques plus élaborés abordent des sujets relatifs à la ligne éditoriale du média plus en détail avec des appels à l’action également. Comme pour la chaîne YouTube, cela a pour but de fédérer une communauté mais aussi de générer du traffic intéressant pour le site (en faisant des publications qui se « référencent » sur Instagram, notamment avec l’utilisation de hastags).

Une expérimentation de TikTok : que retenir sur deux mois de vidéos ?

De février à avril 2021, Numerama a publié 31 vidéos sur TikTok, réseau social qui intéresse grandement les médias et notamment les pure players. Des vidéos réalisées par Ninon Barbey dans le cadre d’un stage de motion design au sein de la rédaction ; elles traitent en grande majorité de santé ou de sciences. Cela a permis au compte d’atteindre les 900 abonnés ; les vidéos cumulent entre 150 et 8 500 vues, avec une vidéo qui a atteint plus de 90 000 vues cumulées, des vidéos aimées plus de 8 200 fois.

#Règle30 : une newsletter n’est pas hors-sujet

Le 5 mars 2020, Numerama lance une newsletter : #Règle30. Son nom vient de la Règle 30 du web, qui dit qu’il n’y a pas de femmes sur Internet :

« Parce que le web et les nouvelles technologies appartiennent à tout le monde, Numerama lance #Règle30, sa première newsletter d’actualité personnalisée, rédigée par la journaliste tech Lucie Ronfaut. Elle reviendra chaque semaine sur l’actualité numérique, de manière féministe et inclusive. »

Envoyée tous les mercredis à 11 heures, elle est rédigée par Lucie Ronfaut, « journaliste indépendante spécialisée dans la tech » ; dans laquelle elle utilise un « ton marqué », avec à chaque fois « un édito sur un sujet fort, une sélection d’articles repérés un peu partout sur le web […] et un conseil culture ».

En janvier 2021, elle aurait convaincu plus de 2 000 internautes et aurait un taux d’ouverture de 57%.

La chronique de Numerama dans Le Meilleur des mondes

Pour la rentrée médiatique de septembre 2021, France Culture a lancé avec François Saltiel une nouvelle émission hebdomadaire diffusée le vendredi à 21 heures et qui dure une heure environ : Le Meilleur des mondes.

« Le Meilleur des mondes propose de mettre le futur en débat et de questionner les nouvelles technologies qui reconfigurent notre société. De la fiction à la réalité, de l’utopie à la dystopie et de la promesse d’un monde meilleur au « Meilleur des mondes » d’Huxley ; la frontière est ténue. À nous de l’explorer chaque semaine autour de trois invités. »

Depuis l’émission du 15 octobre, « Marie Turcan et Marcus Dupont-Besnard présentent en alternance une chronique de 4 minutes en lien avec le thème de l’émission » dans le cadre d’un partenariat entre Numerama et France Culture. Un partenariat logique selon la rédaction :

« Pour nous, cette association avec Le Meilleur des mondes tombait sous le sens : nous partageons la même curiosité, le même regard bienveillant sur les technologies, qui ne nous empêchent pas de nourrir un esprit critique et affirmé sur leurs potentielles dérives. »

Le modèle économique de Numerama

En tant que pure player gratuit, Numerama s’appuie évidemment sur la publicité via des encarts à plusieurs endroits du site. Mais le média tente de développer et de prioriser deux autres moyens de financement afin de diversifier ses revenus, même s’ils sont toujours publicitaires :

L’affiliation

« L’affiliation est une de nos méthodes : elle définit toutes les commissions que nous pouvons prendre chez un e-commerçant ou un service en ligne si vous finissez par acheter un objet chez lui après l’avoir vu chez nous » : lorsque vous cliquez sur un lien présent dans les articles de Numerama renvoyant vers un produit/service et que vous achetez ce dernier, Numerama gagnera une commission sur la vente. Le média dit utiliser « l’affiliation dans plusieurs cas » et l’identifier « par un pictogramme « sac de course » sur le lien », que ce soit dans les guides d’achat dont nous avons parlé plus haut, dans les bons plans, sur la « Wish List » ou dans les autres articles. Numerama travaille « avec plus d’une dizaine de partenaires » et assure de choisir « le revendeur le plus pertinent » tout en garantissant un impact nul sur « le traitement éditorial » des sujets.

Les contenus sponsorisés

Numerama montre patte blanche sur les contenus sponsorisés publiés sur le site avec un « meilleur encadrement et des lignes claires » pour que les « lecteurs sachent exactement ce à quoi ils ont affaire ». Le pure player d’information s’impose deux critères :

En plus de cela, les contenus sponsorisés sont en fait rédigés par Humanoid xp, l’agence de création du groupe Humanoid, même si « la direction éditoriale de Numerama a un droit de regard sur les publications qui seront faites ».

Sitographie

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