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Tests de jeux vidéo : de l’importance de l’angle en journalisme

Chez Rotek, nous ne sommes pas des habitués des tests de jeux vidéo : notre spécialité, c’est surtout la tech. Mais la lecture d’un article scientifique pousse à la réflexion autour de cette pratique journalistique. Un bon test de jeu vidéo, ce serait un test avec un angle, qui a pour objectif d’intriguer le lecteur, sans le dégouter. Un jeu d’équilibriste auquel les rédactions spécialisées tendent à essayer.

C’est quoi, les tests de jeux vidéo ?

Tout d’abord, le nom même de test peut porter à confusion : le jeu vidéo est avant tout un produit culturel, et non un produit matériel, ou un service. C’est pourquoi le terme peut changer selon les rédactions : certaines d’entre elles parlent de « critiques », comme dans le journalisme spécialisé en littérature ou en cinéma. Mais Boris Krywicki conserve l’expression « test » dans Angles journalistiques originaux au sein des tests vidéoludiques : la pluralité discursive comme résistance des journalistes spécialisés, puisqu’elle est davantage d’usage.

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Il rappelle d’ailleurs que ce terme provient de la presse informatique, celle à laquelle Rotek peut s’apparenter. C’est d’abord la vérification du bon fonctionnement d’un produit, l’évaluation de ses limites techniques. Pourtant, un jeu vidéo c’est différent. La presse vidéoludique fait une « évaluation de la qualité de l’œuvre, la plupart du temps accompagnée d’une note et publiée en synchronie avec la sortie commerciale du jeu ». Le tout en se basant sur des critères tantôt techniques (graphismes, gameplay), tantôt artistiques (mise en scène, scénario). Les tests de jeux vidéo remplissent alors « avant tout une fonction de guide d’achat et de découverte, cherchant à livrer au lecteur-consommateur un maximum d’éléments informatifs et argumentatifs pour qu’il choisisse ou non, en définitive, d’acquérir le jeu vidéo mis à l’agenda médiatique par le journaliste », écrit Boris Krywicki.

Qu’est-ce qu’un angle en journalisme (dans la presse vidéoludique) ?

L’angle, c’est la manière d’aborder un sujet, en délimiter des contours nets, c’est une approche précise sur une piste particulière. Plus il est « étroit », plus l’approche est originale et peut-être attrayante. L’angle peut avoir un point de vue narratologique ou argumentatif, ou les deux. Un angle se manifeste par la méthodologie utilisée par le journaliste, mais aussi par sa forme discursive. Un média économique va traiter une actualité en matière d’économie, quand un média davantage politique va parler des réactions politique à un fait d’actualité.

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Alors, difficile pour un jeu vidéo d’avoir un angle étroit : comme c’est aussi du conseil d’achat, il faut pouvoir aborder tout ce qui fait cette œuvre culturelle. D’ailleurs, certains chercheurs pensent que les tests de jeux vidéo sont incompatibles avec le journalisme, du fait de leur proximité économique avec l’industrie. C’est une vision dépassée et dommageable selon moi : c’est aussi précisément parce que les journalistes spécialisés sont experts qu’ils peuvent se détacher des pressions économiques des éditeurs sur leur production éditoriale. S’ils sont accusés d’être enthousiastes, certains journalistes revendiquent d’ailleurs une certaine subjectivité dans leurs tests de jeux vidéo.

Les différents angles que peuvent prendre les tests de jeux vidéo

Alors, Boris Krywicki s’est efforcé à dresser une liste d’angles originaux mis en place par les journalistes dans leurs tests de jeux vidéo. Il rappelle que la presse papier a la contrainte de la date de publication : souvent en retard, elle ne peut aborder un jeu vidéo de la même manière que le ferait un site spécialisé.

L’angle narratif-réflexif

Moins qu’un test technique, c’est une critique du journaliste à partir de ses réflexions et de ses expériences tirées du jeu vidéo en question. Parfois, les journalistes vont jusqu’à refuser d’attribuer une note à un jeu : la critique littéraire ne le fait que rarement d’ailleurs. De quoi « développer un propos en demi-teinte, ni élogieux, ni assassin » pour le chercheur. C’est même « un palliatif au manque de reproches critiques » et « une prise de liberté personnelle et irrévérencieuse » par rapport au modèle classique du test.

L’angle narratif homodiégétique

D’autres journalistes vont ne pas prendre leur point de vue, mais celui « d’un personnage qui serait issu de l’œuvre » afin de plonger le lecteur dans l’univers du jeu. Les journalistes peuvent alors se renommer, changer de registre (familier, soutenu) et mettre les marques d’évaluation au second plan, ne les laissant transparaître que par petites touches. Boris Krywicki écrit que cet angle trouve un équilibre « entre l’obligation de formuler un discours sur une œuvre incontournable et l’envie de ne pas trop en dévoiler ».

L’angle argumentatif-comparatif

D’autres tests privilégient l’argumentatif, en s’appuyant sur de la comparaison. De la comparaison avec d’autres jeux vidéo, mais aussi avec d’autres tests du même titre. La démonstration « semble devenir plus importante, aux yeux des journalistes, que le contenu du jeu examiné en lui-même ». Le journaliste se crée alors une contrainte qui prime sur « l’évaluation fidèle du jeu ». Cet angle semble fort peu intéressant (un peu comme si le journaliste voulait montrer qu’il sait mieux que ses confrères ce qu’il faut penser), pourtant c’est une manière de créer de l’originalité dans un test. Quand on teste les FIFA depuis 20 ans, ça peut aider.

L’angle narrativo-argumentatif

Narration + argumentation = narrativo-argumentatif. Au lieu de choisir l’un de ces angles, le journaliste peut prendre les deux. Cela veut dire ne pas parler de la fin d’un jeu, ou ne pas passer en revue les critères habituels. Cet angle reprend la question primaire des tests de jeux vidéo : faut-il acheter le jeu en question ou non ?

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Les tests de jeux vidéo comme revendication de la presse vidéoludique

Ce contenu éditorial, c’est le contenu phare de tout titre spécialisé en jeu vidéo, sorte d’exercice maître, attendu par les lecteurs, très travaillé par les journalistes (bien que ce soit aussi une autre problématique ». Cependant, le test est très codifié dans bien des rédactions : c’est là que l’importance de l’angle entre en jeu. C’est une prise de risque et c’est une tactique de journalistes pour contourner l’industrie du jeu vidéo, les attendus des lecteurs, mais aussi la redondance de l’exercice. D’ailleurs, Krywicki rappelle que “plusieurs rédactions spécialisées défendent aujourd’hui publiquement l’idée que leurs journalistes ne peuvent et ne veulent plus tout tester, face à l’amoncellement croissant de nouveautés.” Alors, le choix d’un angle original “constitue un positionnement culturel et journalistique empreint de radicalité, dans la mesure où ce choix peut participer à la séduction de certains lecteurs tout en en rebutant d’autres.” C’est une manière de revendiquer “la richesse du jeu vidéo, son acceptation en tant que domaine culturel”. Aussi, “l’apparition récente de ces angles originaux s’inscrit plus globalement dans une volonté de réinvention qui sois-tend les manières actuelles d’aborder le médium dans les presses généralistes et spécialisées.”

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