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Tests de produits dans la tech : les contraintes qui existent sur les journalistes

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Fiche de lecture et résumé détaillé de l’article Équilibrer les tests de produits, les objectifs de trafic et les critiques de l’industrie : le journalisme technologique britannique en pratique par J. Scott Brennen, Philip N. Howard et Rasmus K. Nielsen.

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Résumé de Équilibrer les tests de produits, les objectifs de trafic et les critiques de l’industrie : le journalisme technologique britannique en pratique

Titre original : Balancing Product Reviews, Traffic Targets, and Industry Criticism: UK Technology Journalism in Practice

« Bien que l’on s’attende de plus en plus à ce que les journalistes technologiques servent de chiens de garde critiques de l’industrie technologique, le journalisme technologique reste sous-étudié dans les études sur le journalisme. S’appuyant sur le modèle de la hiérarchie des influences pour analyser les entretiens semi-structurés avec des journalistes et des rédacteurs britanniques spécialisés dans les technologies, cet article étudie la manière dont les journalistes naviguent stratégiquement dans les relations avec l’industrie technologique et comment ces relations influencent les pratiques de reportage. En fournissant un examen nécessaire de la pratique quotidienne du reportage technologique, l’article démontre comment les journalistes gèrent une série de pressions, de limitations et de défis. Ce faisant, il montre que, dans la manière dont il est défini et pratiqué, le journalisme technologique reste lié à l’industrie technologique d’une manière qui peut nuire aux appels de plus en plus nombreux en faveur d’un journalisme technologique critique, rigoureux et indépendant. En fin de compte, cet article plaide en faveur du traitement du journalisme technologique comme un champ d’investigation distinct. »

Référence : 1. J. Scott Brennen, Philip N. Howard & Rasmus K. Nielsen (2021) Balancing Product Reviews, Traffic Targets, and Industry Criticism: UK Technology Journalism in Practice, Journalism Practice, 15:10, 1479-1496, DOI: 10.1080/17512786.2020.1783567

L’article s’appuie sur des entretiens semi-structurés avec 17 journalistes spécialisés, exerçant au Royaume-Uni.

Introduction de cet article sur les tests de produits dans la tech

“Le journalisme technologique est en plein essor” : les journalistes “couvrent aujourd’hui certains des plus grands sujets”, comme les plateformes numériques, la désinformation en ligne ou encore l’intelligence artificielle. On attend d’eux qu’ils demandent “aux entreprises, aux gouvernements et à d’autres organisations de rendre compte de la manière dont ils conçoivent, construisent, réglementent et utilisent les technologies”. S’ils sont souvent mis à part, les journalistes spécialisés sont comme les autres, “confrontés aux mêmes luttes, incertitudes et réductions [cutbacks]” Il y a là aussi des défis concernant “le journalisme technologique d’investigation critique”.

Il n’y a pas beaucoup de recherche scientifique sur “la pratique quotidienne du journalisme technologique lui-même” : le domaine est d’ailleurs rattaché à d’autres domaines journalistiques (scientifique, style de vie, économique, etc.). Peu se sont donc interrogés “sur les influences qui façonnent le journalisme technologique”. Pour Tambini, le journalisme est souvent compromis par les relations entre journalistes financiers et le monde de la finance.

Pour les auteurs, “pour comprendre le véritable potentiel d’un journalisme technologique critique, il faut démêler l’imbrication complexe du journalisme technologie et de l’industrie technologie au niveau de la pratique elle-même”. Trois dimensions sur journalisme technologiques sont mises en avant par les chercheurs :

Pour autant, les acteurs économiques de l’industrie sont présents dans ces trois articulations du journalisme spécialisé. L’article identifie par ailleurs trois types de “pressions structurelles” sur les journalistes dans leur travail :

Pour les journalistes cependant, ces pressions sont principalement gérées par leur rédaction. Selon les auteurs, il y a “des relations persistantes et complexes entre les journalistes et l’industrie technologique”. Ces formes de pression sont encouragées par “des pressions structurelles spécifiques” (objectifs d’audiences, stratégies de gestion des pressions comme “la rédaction d’articles de vulgarisation industrielle non critiques), qui laissent “les journalistes technologiques contemporains profondément imbriqués dans l’industrie technologique”. Les chercheurs suggèrent alors que pour un journalisme spécialisé plus critique envers le secteur qu’il couvre, il faudrait de meilleures relations avec ledit secteur économique.

Revue de littérature

Définir le journalisme technologique

Le problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment de consensus sur ce qu’est le journalisme technologique. Parfois, il est mélangé avec le journalisme scientifique. La plupart des travaux portent “sur le contenu du journalisme technique – souvent la couverture des nouvelles technologies ou des développements dans le domaine de l’ingénierie”. Par ailleurs, “Hanusch, Hanitzsch et Lauerer (2017) ont récemment associé le journalisme technologique au « journalisme de style de vie”” en ce sens qu’il “s’adresse à son public en tant que consommateur, en lui fournissant des informations factuelles et des conseils, souvent de manière divertissante, sur des biens et des services qu’il peut utiliser dans la vie quotidienne”. Pour Nikki Usher, ce serait du “journalisme de service” qui est selon elle un “aspect plus doux du journalisme d’affaires” aidant les lecteurs à “sélectionner des informations et des produits pertinents”. Pour elle, les journalistes spécialisés dans “les technologies personnelles” “considèrent que leur rôle est de défendre les consommateurs dans un monde où les publicités rendent le choix du meilleur produit de plus en plus difficile”.

Pour Geiß, Jackob et Quirin, le rôle des journalistes spécialisés est de “diffuser des innovations, guider leurs lecteurs, expliquer des sujets compliquer et proposer des contenus divertissants”. Turner prend l’exemple de Wired pour voir comment le journalisme technologique a continué à se développer à travers les médias.

Pour les auteurs de la recherche, c’est Sara Watson qui propose la vue la plus globale du journalisme technologique contemporain. Elle montre qu’il est passé d’une forme d’exaltation pro-technologie (commerciale) à “la façon dont la technologie croise et transforme tout ce qui intéresse les gens – de la politique aux relations personnelles”. Et c’est là que “la ligne de démarcation entre le reportage et la critique s’estompe”.

La relation entre le journalisme technologie et l’industrie des nouvelles technologies

Geiß, Jackob et Quirin racontent qu’”en échange de la fourniture des informations nécessaires aux journalistes TIC, ils peuvent s’attendre à ce que ces derniers servent de communicateurs supposés neutres et donc crédibles de leurs messages marketing”. Pourtant, c’est justement ces communicants qui permettent aux journalistes d’avoir des informations : avoir des relations avec eux est nécessaires. Les chercheurs font d’ailleurs un parallèle avec les journalistes financiers, qui sont très tributaires de cet accès à l’information issue d’entreprises privées. En étudiant une décennie de reportages économiques, Knowles, Phillips et Lidberg (2017) ont constaté que « les sources économiques, les analystes et les porte-parole des relations publiques ont été les sources les plus populaires de citations directes depuis les années 1980”.

Pour Manning, il y a des relations d’échange entre les deux parties, qui sont compliquées et mutuellement bénéfique, ce qui pourrait entraver le reportage critique avec des informations faciles à utiliser mais limitées, n’incitant pas les journalistes à poursuivre “des lignes d’enquête plus critiques”. Il pense que ces relations “de source” a priori nécessaires font en sorte que les journalistes écrivent des articles avec uniquement les informations issues des échanges. D’autant plus que les sujets sont complexes et qu’il y a un “manque de compétences de ce type parmi les journalistes”, ce qui “ajoute à la dépendance à l’égard des intermédiaires et des professionnels de l’information pour “interpréter” et expliquer les histoires pour les journalistes”. Lui aussi parle de contraintes de temps et de ressources au sein des rédactions : rythme de publication, formation limitée.

Comprendre l’influence du contenu journalistique

“Le modèle de hiérarchie des influences de Shoemaker et Reese (2013), largement utilisé, propose un ensemble imbriqué de cinq niveaux hiérarchiques d’analyse : les systèmes sociaux, les institutions sociales, les organisations médiatiques, les pratiques courantes et les individus.” Il vise à synthétiser la littérature sur l’influence des actualités et souligne “l’interaction entre la structure et l’agence, entre les actions que les gens entreprennent et les conditions dans lesquelles ils agissent ne sont pas de leur propre fait”. Si on peut observer l’influence dans chacun des cinq niveaux en journalisme technologique, pour les auteurs de l’article, “trois couches sont particulièrement impliquées”.

Premièrement, Shoemaker et Reese précisent l’influence de l’industrie non médiatique par le biais de l’approvisionnement, des groupes d’intérêt, de la publicité et des relations publiques (2013 ; voir également Gandy 1980). Deuxièmement, ils soulignent l’influence profonde des pratiques courantes sur le travail quotidien du journalisme technologique, en déterminant ce qui est couvert et comment cela est couvert. Enfin, ils affirment que les journalistes individuels conservent un pouvoir important sur le contenu des informations.

Méthodes

Qui a été interrogé, d’où ils viennent, quand et comment ont eu lieu les entretiens. Tout a été rentré dans le logiciel d’analyse qualitative MAXQDA.

“Plusieurs informateurs ont déclaré avoir l’impression d’être à la périphérie du secteur technologique parce qu’ils ne travaillent pas dans la Silicon Valley”.

Trouvailles

Les chercheurs ont été “la manière dont les journalistes technologiques conçoivent et définissent le journalisme technologique, les pressions qui surviennent dans le travail d’information quotidien et les tentatives explicites de l’industrie technologique d’influencer le contenu de l’information”. Selon eux, “pour comprendre l’influence de l’industrie, il faut tenir compte […] de la manière dont les journalistes technologiques résistent à l’influence de l’industrie et s’y adaptent.”

Définir le journalisme tech

La technologie et le futur technologique

“Plusieurs journalistes ont défini le journalisme technologique comme étant simplement le journalisme concernant les choses technologiques”. Cela concerne les objets qui sont des technologiques de communication numérique, avec l’angle de ce qui est nouveau. “Cette approche du journalisme technologique anticipe et examine souvent les nouveaux produits de consommation, généralement ceux des grandes entreprises technologiques”. C’est d’ailleurs une couverture souvent fait par des rédactions spécialisées dans le commerce ou la technologie.

L’économie de la technologie

Plusieurs journalistes voient leur domaine “en termes de couverture des affaires technologiques”, un “sous-ensemble de l’information commerciale ou financière”, propulsée “en partie, par l’impératif pour les points de vente de couvrir les grandes entreprises technologiques à mesure qu’elles grandissent en taille et en influence”.

Les implications sociales ou les effets de la technologie

Pour bien des journalistes, “le journalisme technique devrait s’intéresser aux implications sociales ou politiques plus larges que la technologie” : réseaux sociaux, société, politique, sécurité, etc.

Relier les trois “écoles” du journalisme tech

Il y a eu un changement de paradigme : le journalisme technologique est passé “d’une focalisation largement positive sur les gadgets technologiques” à une approche qui s’intéresse aux questions sociales des questions technologiques. Pour certains journalistes, au début, le domaine “était dominé par des critiques de produits set des discussions hautement techniques sur des gadgets spécialisés”. Avec l’essor de ces nouvelles technologies, “les reportages sur la technologie ont davantage consisté à suivre ces entreprises et à tenter d’anticiper les nouvelles start-ups”. Avec l’omniprésence des nouvelles technologies dans la vie des citoyens, “de plus en plus de journalistes enquêtes sur les changements sociaux, politiques ou économiques qui se produisent parallèlement aux changements technologiques rapides”.

Pour les chercheurs, “il y a des raisons de penser que les trois “écoles” de journalisme technologique sont concomitantes, plutôt que séquentielles”. D’ailleurs, “de nombreux journalistes ont combiné différents aspects des trois écoles dans leurs définitions”.

L’exercice quotidien du journalisme technologique

“Une grande partie de la pratique quotidienne du journalisme est profondément routinière. Pour Shoemaker et Reese, ces pratiques routinières, qui, selon eux, peuvent provenir d’organisations, de publics et de fournisseurs de contenu (2013, 164), exercent une influence profonde sur l’élaboration des reportages”. C’est ce que reconnaissent les journalistes spécialisés : il y a des pressions structurelles dans les rédaction. Cependant ils soulignent “leur propre capacité à faire face à ces pressions”. Alors, “il faut examiner les pressions structurelles auxquelles les journalistes sont confrontés ainsi que les moyens agentiques dont ils disposent pour faire face à ces pressions”.

Les pressions de temps et de ressources

Comme Gans l’indiquait en 1979, “la pression du temps a longtemps défini le journalisme quotidien”. Plusieurs études montrent que les contraintes de temps ont une influence sur le travail des journalistes. Pour les chercheurs, cela se reproduit de la même manière dans le journalisme technologique. Dans les grands quotidiens d’information, les journalistes spécialisés dans les nouvelles technologies rédigent entre un et trois articles par jour. Cela peut monter à entre cinq et sept pour les tabloïds et médias numériques et même jusqu’à dix dans un cas. Selon l’étude menée, “les journalistes sont soumis à une forte pression pour travailler rapidement. C’est particulièrement le cas pour ceux qui travaillent dans des publications exclusivement numériques qui mettent leur site à jour tout au long de la journée”. De plus, la plupart des services spécialisés dans les nouvelles technologies, sont de petite taille, avec quelques journalistes et/ou rédacteurs en chef. Beaucoup des interrogés suggèrent “qu’étant donné que de plus en plus d’histoires sont perçues comme ayant un angle technologique, une plus grande partie de leur temps est consacrée à la couverture de ces histoires de dernière minute”. C’est pourquoi il peut être plus difficile pour les journalistes de travailler sur des articles de fonds lus longs ou plus complexes. Par ailleurs le manque de temps et de moyen les force à ne pas se déplacer et à s’en tenir à des courriels, des appels téléphoniques et des communications sur les réseaux sociaux. Pourtant, “le journalisme technologique implique fondamentalement de couvrir des systèmes et des questions techniquement compliquées”. En fait, “la lutte pour comprendre également des systèmes techniques complexes rend le journalisme technologique particulièrement difficile.

Gérer les contraintes de temps et de ressources

À cause de toutes ces contraintes, “la plupart des journalistes interrogés se tournent presque exclusivement vers des sources numériques pour trouver des sujets d’articles”. La plupart listent des sujets d’articles en début de journée, en consultant plusieurs sources. Il y a deux grandes catégories de sources d’information :

Les journalistes utilisent beaucoup Twitter pour lire ce que disent des initiés (qui peuvent tenir des blogs, bien que ce soit de plus en plus rare). Il y a aussi les communiqués de presse issus des équipes de relations publiques/presse. Sont également beaucoup surveillés les autres médias, via leurs flux RSS ou les Google Actualités.

Cela “signifie qu’une grande partie du travail de reportage est effectuée sans quitter le bureau”, mais aussi “que la pression du temps signifie que l’accessibilité et la fiabilité des sources pour les articles sont primordiales […] les journalistes contactent souvent des sources qui peuvent répondre rapidement et de manière fiable avec des commentaires intéressants et perspicaces”, quitte à réutiliser les mêmes sources régulièrement. Les citations peuvent aussi être tirées de communiqués de presse ou d’autres articles d’actualité. Enfin, “certains de ces journalistes parviennent à couvrir des sujets complexes en très peu de temps en “reprenant” des articles existants”, en reprenant les informations publiées par un autre média. Cela permet d’aller vite, d’être exact (factuellement, techniquement) et d’avoir un article qui sera lu.

Pressions liées aux métriques

La pression des audiences varie d’une rédaction à l’autre. Mais pour plus de 41% des journalistes, elles sont extrêmement influentes. Dans la presse tech par abonnement, ça ne semble pas être le cas : “ils prennent rarement des décisions sur ce qu’il faut couvrir ou comment le couvrir en fonction des métriques de l’article”. Il s’agit davantage d’une préoccupation des rédacteurs en chef ou analystes spécialisés. Néanmoins dans la presse dite “gratuite” (qui dépend essentiellement de la publicité), c’est tout l’inverse. Les journalistes peuvent consulter les audiences de manière obsessionnelle et plusieurs ont des objectifs de trafic mensuels.

Gérer les métriques

Plusieurs rédactions tech dépendantes de la publicité (et par extension du trafic) travaillent avec des équipes d’optimisation des moteurs de recherche (SEO). Cela peut modifier les titres des articles ou leurs adresses, mais aussi le contenu, avec des choix de sujets qui feront nécessairement de l’audience. Cela se fait selon une double dimension : suivre les sujets populaires, mais aussi expérimenter de nouveaux sujets. Parmi “les sujets qui attirent le plus régulièrement le trafic, les informateurs ont principalement cité ceux liés aux grandes entreprises et aux marques populaires orientées vers le consommateur”. Par ailleurs, “plusieurs journalistes ont déclaré que la volonté d’atteindre les objectifs de trafic provenait en partie du désir d’écrire des articles qui génèrent suffisamment de trafic pour qu’ils puissent couvrir les sujets qu’ils trouvent intéressants.” Pour les chercheurs, “même s’ils sont confrontés à des objectifs de trafic, les journalistes trouvent encore des moyens de couvrir occasionnellement les histoires qu’ils estiment devoir être racontées.”

L’industrie des relations presse et les retours

eese observent que « les médias existent en relation avec d’autres centres de pouvoir institutionnels dans la société, des relations qui peuvent être coercitives ou collusives et qui peuvent façonner le contenu des médias » (2013, 95). Les entreprises des nouvelles technologies en font naturellement partie. “Dans l’étude Worlds of Journalism, seuls 19,2 % des journalistes basés au Royaume-Uni ont qualifié les « relations publiques » d' »extrêmement » ou de « très influentes » dans leur travail”. Il y a deux principales manières pour l’industrie d’influencer les journalistes :

  1. L’envoi de communications, notamment de communiqués de presse. Cela peut passer par une agence spécialisée et le but est d’obtenir de la couverture.
  2. S’adresser aux journalistes directement pour faire des retours sur les articles. Cela dans l’optique de modifier les articles dans l’intérêt de l’entreprise concernée.

Gérer l’industrie des relations presse

“Certains journalistes se tournent régulièrement vers les communiqués de presse pour trouver des idées d’articles, des sources ou des trames”. Néanmoins, certains journalistes s’y refusent. L’un des interrogés “suggère que l’avalanche de communiqués de presse peut amener les journalistes à s’interroger sur leur valeur”. Certains communiqués de presse peuvent toutefois servir pour identifier des sources pour de futurs articles, puisqu’ils peuvent faire appel à des experts.

Toutefois, les demandes des agences pour corriger quelque chose dans un article sont rarement acceptées et n’ont pas d’influence sur le travail des journalistes. Dans un des cas mentionné dans l’article, des journalistes ont critiqué négativement un produit en sachant qu’il deviendrait évident que l’entreprise qui le commercialisait “réagirait en ne fournissant plus de produits à l’avance pour les tests”. Cependant, “il n’est pas certain que d’autres médias plus dépendants des recettes publicitaires et du trafic important que les premiers tests de produits génèrent auraient réagi de la même manière”.

Conclusion de Équilibrer les tests de produits, les objectifs de trafic et les critiques de l’industrie : le journalisme technologique britannique en pratique

“Les pratiques et les pressions décrites ici suggèrent que le journalisme technologique partage de nombreux points communs avec les autres médias.” Pour autant, “il y a des raisons de penser que le journalisme technologique est devenu un domaine à part entière”. Tout d’abord parce que certains organes de presse ont des équipés spécialisées. C’est pourquoi “il doit être étudié comme un phénomène unique, avec son histoire, ses défis et son potentiel propres”. Pour les chercheurs, “il existe donc un riche potentiel pour les études futures sur le journalisme technologique”.

Mais pour y arriver, “il faut tenir compte non seulement de la myriade de pressions auxquelles les journalistes sont confrontés, mais aussi des stratégies qu’ils mettent en oeuvre pour faire face à ces pressions et à ces contraintes”. En fait, “les journalistes continuent à détenir un pouvoir important pour affronter et négocier les contraintes et les pressions structurelles auxquelles ils sont confrontés”. La plupart des journalistes est satisfaite de son travail. Cependant, “il est possible que certains informateurs n’aient pas voulu parler honnêtement des moments où ils n’ont pas réussi à gérer les pressions auxquelles ils sont confrontés”. C’est pourquoi “l’observation de la pratique in situ pourrait fournir une perspective utile sur les expériences” décrites dans l’article.

Ce dernier “démontre qu’il est difficile de clarifier les déterminants du contenu de l’information”. Il montre néanmoins “comment les acteurs de l’industrie, situés dans la couche “institutions sociales” du modèle de la hiérarchie des influences, peuvent en fait agir à travers presque toutes les autres couches également.” Alors, les services de relations publiques peuvent parfois “contribuer à fixer l’ordre du jour et influencer la manière dont les sujets sont formulés et racontés”. Le souci, c’est que comme les journalistes utilisent les mêmes sources, cela peut inhiber les opportunités de reportages nouveaux et uniques. Cela vient au moins en partie de l’enjeu de productivité (il faut écrire rapidement et facilement). C’est pourquoi les articles qui feront de l’audience de manière fiable sont à propos de produits de grandes entreprises technologiques. Les chercheurs ont montré “une profonde interrelation entre le journalisme technologique et l’industrie technologique au niveau de la définition même du journalisme technologique”, qui comporte trois facettes :

Alors, “difficile d’imagine une quelconque séparation forte entre les deux”. Le lectorat demande beaucoup à ses journalistes spécialisés : ils doivent être connaisseurs, couvrir les sorties de produits, les tester, faire le tri dans les produits pour conseiller ou non l’achat. Ils doivent de plus faire rendre des comptes aux entreprises du secteur, et de parler au nom de leur public. Au sein de tous ces rôles, “les journalistes technologiques travaillent au sein d’organisations confrontées à des défis économiques, à des changements technologiques et à des pressions politiques de plus en plus fortes. Ils doivent accomplir un travail beaucoup plus important et plus difficile avec moins de temps, moins de ressources et plus d’incertitude.”

Pour aller plus loin, il faudrait s’intéresser aux conséquences possibles de la concentration de la presse tech en ligne (notamment en France) sur les tests de produits et les journalistes spécialisés. Ce phénomène peut entraîner des inquiétudes auprès des journalistes tout en mettant en danger le modèle de l’indépendance.

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