L’imprimante est un objet si familier qu’elle en deviendrait presque invisible. Qu’elle trône dans un coin du bureau, à la maison, ou qu’elle soit cachée dans un local technique, elle répond présente pour matérialiser nos documents, nos photos, nos idées. En quelques clics, un fichier numérique devient un objet tangible. Mais vous êtes-vous déjà arrêté pour penser au chemin parcouru pour en arriver là ? Loin d’être une simple boîte en plastique, l’imprimante est l’héritière d’une lignée d’inventions qui ont, à chaque étape, profondément bouleversé la société.
Nous vous invitons aujourd’hui à un voyage dans le temps. Une aventure qui nous mènera des ateliers poussiéreux du XVe siècle aux laboratoires de pointe du XXIe siècle. Cette incroyable histoire de l’imprimante n’est pas seulement une succession de dates et de mécanismes, c’est le récit de la démocratisation du savoir, de la naissance de la communication de masse et, aujourd’hui, de la réinvention de la fabrication elle-même. Attachez vos ceintures, notre machine à remonter le temps est prête.
- Les balbutiements, bien avant Gutenberg
- 1450, la révolution des caractères mobiles en métal
- L'ère industrielle, la vapeur au service de la presse
- Le XXe siècle, l'imprimante s'invite au bureau
- Les années 80, la double révolution silencieuse
- L'avènement du Jet d'encre
- Le modèle économique de l'encre : le "piège" du rasoir et des lames
- L'ère de la convergence et de l'intelligence
- La nouvelle frontière, l'impression 3D ou la matérialisation de l'imagination
- L'histoire de l'imprimante est loin d'être terminée
- Imprimante : questions fréquentes
Les balbutiements, bien avant Gutenberg
L’idée de reproduire des textes et des images n’est pas née avec l’imprimerie. Avant que Johannes Gutenberg ne change la face du monde, l’humanité cherchait déjà des moyens de dupliquer l’information plus rapidement qu’à la main d’un moine copiste. La solution la plus ancienne et la plus répandue était la xylographie.

Née en Chine vers le VIIe siècle avant de se répandre en Europe, cette technique consistait à sculpter une planche de bois en relief. Chaque page, avec son texte et ses illustrations, était gravée à l’envers dans le bois. Une fois la planche encrée, on la pressait sur du papier ou du parchemin. Le principe était là, mais il souffrait de défauts majeurs : le processus de gravure était incroyablement long et laborieux, et la plaque de bois, une fois créée, ne pouvait servir qu’à imprimer cette unique page. Pour un nouveau texte, il fallait tout recommencer. De plus, le bois s’usait vite. La diffusion restait donc limitée, coûteuse et rigide.
1450, la révolution des caractères mobiles en métal
C’est dans ce contexte qu’un orfèvre allemand de Mayence, Johannes Gutenberg, va orchestrer une véritable révolution. Son génie ne réside pas dans l’invention d’un seul élément, mais dans la combinaison brillante et inédite de trois technologies existantes qu’il perfectionne.
Caractères mobiles en alliage métallique
C’est le cœur de l’innovation. Au lieu de graver une page entière, Gutenberg crée des poinçons pour chaque lettre de l’alphabet, qu’il utilise pour frapper des matrices en cuivre. Dans ces matrices, il coule un alliage de sa composition (plomb, étain, antimoine) qui a la particularité de refroidir vite, d’être résistant à la pression et de ne pas s’user trop rapidement. Il obtient ainsi des centaines de caractères identiques, mobiles et réutilisables à l’infini. Il suffisait de les assembler pour composer une page, d’imprimer, puis de les démonter pour composer la page suivante. La flexibilité était née.
Encre grasse
Les encres à base d’eau utilisées pour la xylographie perlaient sur le métal. Gutenberg met au point une encre plus épaisse, à base d’huile de lin et de suie, qui adhère parfaitement à ses caractères métalliques et se transfère sur le papier de manière nette.
Presse à bras
En s’inspirant des presses à vin et à huile déjà utilisées dans sa région, il conçoit une presse à vis permettant d’appliquer une pression forte et uniforme sur toute la surface de la page. C’est cette pression qui garantit un transfert parfait de l’encre et une qualité d’impression constante.
La combinaison de ces trois éléments changea le monde à jamais. La fameuse « Bible de Gutenberg », imprimée à environ 180 exemplaires vers 1455, n’était que le début. Le coût et le temps de production des livres s’effondrèrent. Le savoir, jusqu’alors confiné aux monastères et aux élites, put se diffuser à une vitesse fulgurante. La Renaissance, la Réforme protestante, la révolution scientifique, tous ces mouvements sont les enfants directs de l’invention de Gutenberg. L’imprimerie a donné au monde la capacité de débattre, de partager et de contester les idées à grande échelle.
L’ère industrielle, la vapeur au service de la presse
Pendant près de 350 ans, le principe de la presse de Gutenberg reste étonnamment inchangé. Les presses deviennent plus robustes, passant du bois au métal avec la presse Stanhope au début du XIXe siècle, mais le fonctionnement à bras demeure. La production plafonne à environ 250 feuilles par heure.
Tout bascule avec la Révolution Industrielle. En 1814, l’inventeur allemand Friedrich Koenig dévoile à Londres la première presse typographique à vapeur. Finie la force humaine, c’est un moteur qui actionne la machine. Les cylindres remplacent la platine plate, permettant une impression en continu. Le gain de productivité est phénoménal : la machine de Koenig atteint 1 100 feuilles par heure, soit plus de quatre fois le rendement d’une presse à bras. Le journal The Times est le premier à l’adopter, faisant entrer la presse dans l’ère de la communication de masse.
Cette course à la vitesse culmine avec l’invention de la presse rotative par l’Américain Richard Hoe en 1843. Ici, les caractères ne sont plus disposés à plat, mais sur un cylindre rotatif qui imprime sur d’immenses rouleaux de papier. Les tirages se comptent désormais en dizaines de milliers d’exemplaires par heure. Le journal quotidien à bas prix devient une réalité pour des millions de personnes. L’imprimerie n’est plus un artisanat, c’est une industrie lourde.
Le XXe siècle, l’imprimante s’invite au bureau
Jusqu’alors, l’impression était une affaire d’imprimeurs professionnels. Le XXe siècle va voir naître une nouvelle catégorie d’appareil : l’imprimante personnelle et de bureau, une machine conçue pour être reliée à une autre invention majeure, l’ordinateur.
Le premier jalon de cette transition est la machine à écrire, qui popularise l’idée de produire un document texte de qualité sans passer par un imprimeur. Mais le véritable tournant s’opère dans les laboratoires de recherche informatique.
En 1953, Remington-Rand développe la première imprimante à haute vitesse, l’UNIVAC High-Speed Printer, pour son ordinateur UNIVAC. Cette machine monumentale imprime 600 lignes par minute, mais elle est réservée aux grands centres de calcul.
La démocratisation commence véritablement dans les années 1970 avec l’imprimante matricielle (ou à impact). Son fonctionnement est simple : une tête d’impression mobile contient une série de petites aiguilles (généralement 9 ou 24). Ces aiguilles frappent un ruban encreur, qui à son tour marque le papier, formant des caractères par une matrice de points. Ces imprimantes, comme la célèbre Epson MX-80, étaient bruyantes, la qualité du texte était passable, mais elles étaient robustes et abordables. Elles ont accompagné l’essor des premiers micro-ordinateurs comme l’Apple II et l’IBM PC.
Pour ceux qui exigeaient une qualité supérieure, l’imprimante à marguerite (daisy wheel) offrait une alternative. Elle fonctionnait comme une machine à écrire, avec une roue en forme de fleur dont chaque « pétale » portait un caractère en relief. La qualité était excellente, digne d’une machine à écrire, mais elle était lente, très bruyante et incapable d’imprimer des graphiques.
Les années 80, la double révolution silencieuse
Les années 1980 sont le véritable big bang de l’impression moderne. Deux technologies, développées en parallèle, vont rendre l’impression silencieuse, rapide, de haute qualité et accessible à tous.
Naissance du Laser
L’histoire commence au célèbre Xerox PARC (Palo Alto Research Center). En 1969, un ingénieur du nom de Gary Starkweather a l’idée de combiner la technologie du photocopieur Xerox avec un faisceau laser. Le principe est ingénieux :
- Un laser « dessine » l’image de la page à imprimer sur un tambour rotatif photosensible, le chargeant en électricité statique uniquement aux endroits dessinés.
- Le tambour passe dans un bain de toner, une poudre d’encre très fine, qui est attirée par les zones chargées électriquement.
- La feuille de papier, également chargée électriquement, passe contre le tambour et attire à son tour le toner.
- Enfin, la feuille passe entre deux rouleaux chauffants (le « four ») qui font fondre le toner et le fixent définitivement au papier.
La première imprimante laser commerciale, l’IBM 3800, sort en 1976. C’est un monstre qui occupe une pièce entière et coûte des centaines de milliers de dollars. Le point de bascule arrive en 1984 avec le lancement de la HP LaserJet. Vendue environ 3 500 dollars, elle met la qualité et la vitesse du laser à la portée des entreprises. C’est un succès phénoménal qui, couplé à l’ordinateur Macintosh d’Apple et au logiciel PageMaker d’Aldus, va donner naissance à la Publication Assistée par Ordinateur (PAO).
L’avènement du Jet d’encre
Simultanément, d’autres ingénieurs cherchent à projeter de l’encre sans impact. Deux approches concurrentes émergent à la fin des années 70. Chez Canon, on développe la technologie « BubbleJet » où une minuscule résistance chauffe l’encre jusqu’à créer une bulle de vapeur qui éjecte une gouttelette. Chez HP, le principe est similaire avec la technologie « Thermal Inkjet ». Epson, de son côté, développe la technologie piézoélectrique, où un cristal se déforme sous l’effet d’un courant électrique pour propulser l’encre.
En 1985, HP lance la ThinkJet, puis en 1988, la DeskJet, la première imprimante jet d’encre grand public en noir et blanc à moins de 1000 dollars. L’avantage décisif du jet d’encre arrive peu après : la couleur abordable. Pour la première fois, les familles, les étudiants et les petites entreprises peuvent imprimer des graphiques, des présentations et même des photos en couleur sans se ruiner.
Le modèle économique de l’encre : le « piège » du rasoir et des lames
L’avènement des imprimantes à jet d’encre couleur abordables dans les années 90 a marqué un tournant, mais il a aussi introduit un modèle économique redoutablement efficace pour les fabricants, et souvent frustrant pour les consommateurs. Ce modèle, connu sous le nom de « razor and blades » (le rasoir et les lames), consiste à vendre l’équipement principal (l’imprimante, le « rasoir ») à un prix très bas, parfois même à perte, pour ensuite réaliser des marges très confortables sur les consommables indispensables à son fonctionnement (les cartouches d’encre, les « lames »).
Le principe est simple : attiré par le prix d’achat très faible d’une imprimante multifonction, le consommateur se retrouve par la suite « captif » d’un écosystème. Le coût de remplacement d’un jeu complet de cartouches d’encre de marque peut rapidement dépasser le prix de l’imprimante elle-même. Les fabricants ont perfectionné cette stratégie avec plusieurs techniques. Les cartouches sont souvent équipées de puces électroniques qui empêchent l’utilisation de recharges non officielles ou de cartouches compatibles de marques tierces, affichant des messages d’erreur ou bloquant tout simplement l’impression.
Pire encore, certaines imprimantes ont été programmées pour cesser de fonctionner lorsqu’une seule cartouche de couleur est vide, même si l’utilisateur ne souhaite imprimer qu’en noir et blanc. D’autres critiques pointent du doigt le fait que les cartouches sont déclarées « vides » par l’imprimante alors qu’elles contiennent encore une quantité non négligeable d’encre. Ce modèle économique a fait l’objet de nombreuses critiques et de procès pour obsolescence programmée et pratiques anticoncurrentielles, poussant certains consommateurs à se tourner vers des alternatives comme les imprimantes à réservoirs rechargeables (type « EcoTank » d’Epson) ou les abonnements à l’encre (comme « Instant Ink » de HP), qui tentent de proposer un modèle économique différent, basé sur un coût à la page plus prévisible.
L’ère de la convergence et de l’intelligence
Les années 2000 et 2010 voient les technologies mûrir et converger. L’imprimante ne se contente plus d’imprimer. Elle devient un hub multifonction. Le modèle multifonction (MFP), qui intègre imprimante, scanner, copieur et parfois fax, s’impose comme le standard, aussi bien à la maison qu’au bureau, grâce à son faible encombrement et son coût maîtrisé.
La connectivité explose également. Le vieux port parallèle cède la place à l’USB, puis est rapidement supplanté par l’Ethernet et le Wi-Fi. L’imprimante se libère de ses câbles et devient un véritable périphérique réseau. On peut imprimer depuis n’importe quel ordinateur de la maison, mais aussi depuis son smartphone ou sa tablette grâce à des technologies comme AirPrint d’Apple ou Mopria pour Android. Le « cloud printing » permet même de lancer une impression depuis l’autre bout du monde.
La nouvelle frontière, l’impression 3D ou la matérialisation de l’imagination
Alors que l’on pensait avoir fait le tour de l’impression, une nouvelle révolution, encore plus profonde, était en gestation. Son principe est radicalement différent. Il ne s’agit plus d’appliquer de l’encre sur une surface 2D, mais de construire un objet en trois dimensions, couche par couche, à partir d’un fichier numérique. C’est la fabrication additive, plus connue sous le nom d’impression 3D.
L’idée n’est pas si nouvelle. Le premier brevet, pour un procédé appelé stéréolithographie (SLA), est déposé par Chuck Hull en 1984. Mais pendant des décennies, la technologie reste confinée aux laboratoires et aux grands groupes industriels pour le prototypage rapide.
La démocratisation s’amorce à la fin des années 2000, avec l’expiration de brevets clés, notamment celui de la technologie FDM (Fused Deposition Modeling). Le FDM est le procédé le plus connu du grand public : un filament de plastique (PLA, ABS…) est fondu et extrudé par une buse qui se déplace pour déposer le plastique couche par couche, un peu comme un pistolet à colle robotisé d’une précision extrême.
Le projet RepRap, une initiative visant à créer une imprimante 3D capable de s’auto-répliquer, et l’émergence de « makerspaces » partout dans le monde ont fait exploser la popularité de l’impression 3D. Aujourd’hui, les applications sont vertigineuses et dépassent de loin la simple fabrication de gadgets :
- Industrie : Création de prototypes, d’outillages sur mesure, de pièces de rechange à la demande.
- Médecine : Fabrication de prothèses personnalisées, de guides chirurgicaux, et même des expériences de bio-impression d’organes.
- Architecture : Impression de maquettes complexes et même de véritables maisons en béton.
- Aérospatiale : Fabrication de pièces de fusée plus légères et moins chères.
L’impression 3D représente une rupture aussi fondamentale que celle de Gutenberg. Si l’imprimerie a démocratisé l’accès à l’information, l’impression 3D démocratise l’accès à la fabrication. Elle transforme le consommateur en potentiel créateur et producteur.
L’histoire de l’imprimante est loin d’être terminée
De la presse à bras qui a sorti l’Europe de l’obscurantisme à l’imprimante 3D qui construit des maisons, l’histoire de l’imprimante est une épopée technologique fascinante. Elle nous raconte comment l’humanité a sans cesse cherché à transformer l’immatériel, qu’il s’agisse d’une idée, d’un texte, d’une image ou d’un plan, en un objet physique et partageable.
Chaque étape, du caractère en plomb au filament de PLA, a réduit les coûts, accéléré les processus et mis des capacités autrefois extraordinaires entre les mains du plus grand nombre. Et l’histoire est loin d’être terminée. Avec la bio-impression, l’impression 4D (des objets qui changent de forme après impression) ou la nano-impression, de nouvelles pages, ou plutôt de nouvelles couches, sont en train de s’écrire sous nos yeux. L’humble imprimante a encore de nombreuses révolutions en réserve.
Imprimante : questions fréquentes
Avant Gutenberg, la méthode la plus répandue était la xylographie. Née en Chine, cette technique consistait à graver une page entière de texte et d’images en relief sur une planche de bois, qui était ensuite encrée et pressée sur du papier. Le processus était très long et une planche ne pouvait servir qu’à imprimer une seule page.
Le génie de Gutenberg a été de combiner et de perfectionner trois technologies :
1. Les caractères mobiles en alliage métallique : Il a créé des lettres individuelles et réutilisables en plomb, étain et antimoine, permettant de composer et de décomposer des pages à l’infini.
2. Une encre grasse : Il a mis au point une encre à base d’huile et de suie, plus épaisse que les encres à base d’eau, qui adhérait parfaitement au métal.
3. La presse à bras : En s’inspirant des presses à vin, il a conçu une machine permettant d’appliquer une pression forte et uniforme pour un transfert net de l’encre sur le papier.
La Révolution Industrielle a fait passer l’imprimerie de l’artisanat à l’industrie lourde. En 1814, la première presse à vapeur de Friedrich Koenig a remplacé la force humaine, multipliant la vitesse de production par plus de quatre. Plus tard, la presse rotative de Richard Hoe (1843), qui utilise des cylindres et des rouleaux de papier, a permis de produire des dizaines de milliers d’exemplaires par heure, rendant possible la presse de masse et les journaux à bas prix.
La principale différence réside dans leur technologie.
– L’imprimante laser utilise un laser pour dessiner une image sur un tambour. Une poudre d’encre fine (toner) est attirée par ce dessin puis fondue sur le papier par des rouleaux chauffants. Elle est réputée pour sa vitesse et la netteté du texte.
– L’imprimante à jet d’encre projette de microscopiques gouttelettes d’encre liquide directement sur le papier. Cette technologie a rendu l’impression couleur de haute qualité abordable pour le grand public.
L’impression couleur est devenue abordable pour les particuliers et les petites entreprises à la fin des années 1980 et au début des années 1990, avec le lancement et la popularisation des imprimantes à jet d’encre grand public, comme la HP DeskJet.
La différence est une question de dimension. L’impression traditionnelle, qu’elle soit laser ou à jet d’encre, consiste à appliquer une couche d’encre sur une surface plane (2D) pour créer une image ou un texte. L’impression 3D, ou fabrication additive, construit un objet physique en volume (3D) en déposant de la matière (comme du plastique, du métal ou de la résine) couche par couche à partir d’un modèle numérique. Si l’imprimerie 2D a démocratisé l’information, l’impression 3D démocratise la fabrication.